18 avr. 2012

Rendez-vous


Il est de ces rendez-vous où dans mon petit orgueil de chienne non avertie, je pense que je vais mener la danse et que mon aplomb surdimensionné va me permettre de passer le déjeuner "fingers in the nose"...
C'est très très mal connaître celui qui me fait face.
Mais, bon, je m'illusionne toujours.
Et je vais quand même jusqu'au bout de mon propre massacre...

Tu m'avais dit les chaussures les plus hautes de ton placard... et une tenue différente de la dernière fois. Bon, j'aurais vraiment pu être chienne, dans le mauvais sens du terme et mettre un jean!
Mais comme je suis aussi une petite allumeuse, et que j'aime jouer, j'ai obtempéré dans le bon sillage.

Je me suis précipitée sur mon étagère à chaussures avec mon mètre ruban, et j'ai mesuré les talons. Hop, des Sergio Rossi confort mais talonnesquement acceptables pour toi et nous voilà partie, mam'zelle.

J'ai également mis une robe, celle que je préfère, et des bas, histoire de corser la chose (j'étais en collants la dernière fois -buerkkkkk dirais-tu).

C'est à cet instant précis que j'ai préparé ma chute. J'ai mis un porte-jarretelles!

J'aurais pu mettre des auto-fixants... j'aurais pu me faciliter la vie. Je n'avais aucune consigne. Et puis, je ne te suis pas soumise, à cet instant, je n'ai pas à t'obéir, ni même à obéir à ton esprit! J'aurais pu... Mais.

Je suis cette petite orgueilleuse qui pense que le monde va lui appartenir, et que mes provocations me seront pardonnées. Je m'illusionne toujours...

Je vais bien le sentir tout à l'heure.

Une brasserie, qui ne paye pas de mine, un déjeuner qui s'annonce entre amis. De longues discussions, une façon de s'apprendre, toi, l'homme, moi, la chatte, fuyante, résistante et déjà conquise...

Les tables s'étalent devant nous, au soleil de printemps, des tables de restaurant, et derrière, bien rencognée entre le mur et la vitrine, une table haute, façon déjeuner sur le pouce, ou espace à la mode.

"Où veux-tu t'installer? me demandes-tu.
- Là, au soleil, bien confortable, sur ces chaises rembourrées de cuir..." J'aime le confort pour manger. J'aime le confort pour contrôler qui me fait face. J'aime le confort pour m'oublier, moi, mon corps, et me concentrer sur l'esprit.
Déposé le manteau, accroché le sac à main: il faut que j'aille aux toilettes. J'y cours. Je te laisse installé sur ta chaise, un sourire aux lèvres.

...il est de ces rendez-vous où dans mon petit orgueil de chienne non avertie, je pense que je vais mener la danse et que mon aplomb surdimensionné va me permettre de passer le déjeuner "fingers in the nose"...

Je suis revenue soulagée, sûre de mes charmes puisque je n'avais plus d'entraves, les bas bien remis, les jambes bien campées sur mes talons. J'ai traversé la salle tête haute, les hommes me regardaient. J'avais cette assurance de la femme qui sait qu'elle mène son monde. J'avais cet air de conquête qui pense que tu es encore l'ami...

A détour de la colonne, le long de la vitrine, je te vois, souriant, heureux, tu m'attends. Toutes mes affaires ont disparu de ma chaise, mon sac, il n'y est plus. Tu es au fond de la salle, assis en hauteur, perché tel un baron, sur ton tabouret de bar. Tu me regardes venir à toi. J'ai ralenti, j'hésite, je me gêne soudain. Je regarde l'autre tabouret, la table haute, si haute où tu as tout déménagé.

"Ah? c'est peut-être le seul mot articulé que je pourrai sortir...
- Oui, on sera mieux ici." est ta réponse.

J'ai escaladé le tabouret, j'ai perché mon cul sur cette chaise haute, enfant-femme sans plus aucun hochet, reine de ma vie au sceptre perdu. J'ai su à ce moment-là que je n'avais plus le même homme en face de moi, celui que j'avais imaginé avait disparu. Un autre prenait sa place... Et malgré mon malaise, ma robe courte, mon porte-jarretelles qui s'enfoncera dans mes cuisses puisque mes jambes sont ballantes, malgré ton air doux, ton sourire d'enfant, et ta gentillesse têtue, je sus que je ne pourrai jamais lutter contre tes décisions.





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